Visite du stade nautique Youri-Gagarine, construit et rénové par Paul Chemetov, à Villejuif

Dans les années 1960, alors que la France accuse un net retard en la matière, les collectivités s’équipement massivement de piscines afin de populariser l’apprentissage de la natation mais aussi dans un objectif de loisirs populaires. La commune de Villejuif (94) décide ainsi la construction d’une piscine et achète en 1966 des terres agricoles situées au sud de la ville dans les quartiers de logements neufs, face au groupe scolaire et au stade Karl-Marx, afin d’y compléter l’offre sportive. 

Pour le maire Louis Dolly, membre du Parti communiste français, ce projet est un véritable manifeste politique. Ainsi, le conseil municipal confie la construction d’un stade nautique à Paul Chemetov et Jean Deroche, membres de l’AUA (Atelier d’urbanisme et d’architecture). L’atelier fondé en 1960 est alors particulièrement sollicité par les communes de la « banlieue rouge » pour son engagement dans l’architecture sociale. 

Chemetov et Deroche s’adjoignent l’expertise de Miroslav Kostanjévac, ingénieur collaborant régulièrement avec l’AUA. Au même moment, les 3 hommes mettent d’ailleurs au point le prototype d’une piscine à bassins multiples construite à Corbeil-Essonnes (91) entre 1965 et 1967, dont le modèle sera ensuite décliné à 4 reprises jusqu’en 1972 – à Argenteuil (95), Champigny-sur-Marne (94), Épinay-sur-Seine (93) et Châtillon-Malakoff (92) –, indiquant l’engouement des collectivités pour cet équipement industrialisé. 

À l’inverse, les communes de Villejuif (94) et d’Aubervilliers (93) – stade nautique Marlène-Peratou par Jean Perrottet et Jacques Kalisz –, dont les projets de piscines confiés à l’AUA sont contemporains, s’affranchissent du plan-type pour offrir un bâtiment unique en son genre. Le chantier du stade nautique Youri-Gagarine démarre dès 1967 et se déroule en un temps record, l’équipement étant inauguré en septembre 1969 en présence du futur secrétaire général du PCF Georges Marchais. 

Le souci premier des architectes a été de concevoir un bâtiment en harmonie avec le groupe scolaire, le gymnase et le stade Karl-Marx situés juste à côté, œuvres majeures d’André Lurçat datant de 1933. Cet objectif a dicté l’esthétique générale de la composition et le choix du béton brut de décoffrage en façade. Le terrain étant relativement exigu et le programme particulièrement ambitieux, les architectes dessinent un bâtiment complexe aux niveaux multiples, dont la fonction de chaque volume est affirmée en façade. 

En effet, le stade nautique compte 4 bassins : un bassin d'initiation (25 x 15 m), un bassin d'apprentissage (12,5 x 12,5 m), un bassin olympique (50 x 20 m) et une fosse à plongeon (16,10 x 16,50 m) dotée de plongeoirs de 3,5 et 10 m. Les 2 premiers bassins sont abrités dans 2 volumes couverts tandis que le bassin olympique et la fosse à plonger sont édifiés en plein air. 

Les espaces intérieurs comportent également un bar, des bureaux, des salles de réunion, des cabines de vestiaires, des sanitaires et une infirmerie. 

Les volumes abritant les bassins sont couverts par des coques en béton précontraint à double courbure dégageant une portée de 27 m de longueur du procédé Silberkühl, alors particulièrement novateur. La fosse à plongeon et le bassin olympique sont, quant à eux, bordés de gradins pouvant accueillir 600 spectateurs, tirant parti de la dénivellation entre les 2 bassins. 

Enfin, la façade sur la rue du Stade-Nautique est ornée d’un bas-relief sculpté dans le béton de Paul Foujino, artiste collaborant régulièrement avec Paul Chemetov. En effet, l’AUA apprécie particulièrement le concept de synthèse des arts et sollicite l’intervention d’artistes. Il s’agit également d’une composante importante pour la municipalité qui, sans consulter les architectes, commande une mosaïque à Roland Brice, élève de Fernand Léger, en 1974. Cependant, dès les années 1980, cette mosaïque se détache d’elle-même à la suite d’intempéries. 

Source : Notice rédigée par la Manufacture du patrimoine.