Patrimoine sportif La Région Île-de-France abrite près de 30 000 équipements sportifs et concentre le plus grand nombre d’installations sur le territoire national. Quelles sont les spécificités et les plus belles réalisations de ce patrimoine ? Comment est-il identifié, étudié et valorisé par la Région ? Romuald Goudeseune, conservateur du patrimoine, nous explique tout.
Pourquoi la Région a-t-elle choisi d’étudier les équipements sportifs ?
Romuald Goudeseune : Il y a cette opportunité unique que constituent les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. C’était pour nous l’occasion de mettre en avant 40 années de recherches sur ces espaces et bâtiments si particuliers. Dès les années 1980, le service régional de l’Inventaire a été pionnier en s’intéressant à cette typologie de l’architecture du XXe siècle.
En 1991, notre collègue Antoine Le Bas a fait paraître Architectures du sport, la toute première synthèse réalisée sur cette typologie architecturale alors très peu considérée dans le champ patrimonial. C’est sans doute aussi parce que notre région abrite le plus grand nombre de ces installations et entretient une histoire singulière avec le développement de la pratique sportive dans notre pays que nous nous y sommes intéressés très tôt.
Quelles sont les spécificités de ce patrimoine ?
R. G. : Les « sports athlétiques » qui se développent dans notre région à la fin du XIXe siècle nécessitent de nouvelles installations et des espaces souvent conséquents. La plupart d’entre eux seront relégués aux périphéries. Je pense notamment à l'enceinte des fortifications de Paris sur laquelle les installations sportives ont pu se développer au fil de la démilitarisation progressive. En parallèle, les espaces ruraux ont été investis pour les activités de plein air qui devaient offrir aux citadins une « mise au vert » et un air plus propice aux activités nécessitant de grands espaces. À cet égard, nous avons d’ailleurs créé une typologie spécifique pour les architectures des sports dit « naturels » qui regroupe les plages aménagées, les golfs ou le canotage, ce sport si francilien.
On assiste pendant le XXe siècle à deux phases de démocratisation de l’accès aux activités sportives. Elles ont nécessité la multiplication d’équipements variés. Durant l’entre-deux-guerres, il s’agit de projets singuliers comme les équipements olympiques édifiés pour les JO de 1924. Après la Seconde Guerre mondiale, à la faveur d’un très fort accroissement démographique, la demande augmente encore et l’État lance des concours pour des programmes architecturaux de série. Les collectivités font construire des équipements plus ou moins standardisés dont il reste peu d’exemples aujourd’hui non transformés. Je pense aux gymnases « Complexes sportifs évolutifs couverts (COSEC) » dont nous présentons l’exemple de Draveil (91) ou le fameux programme des « 1 000 piscines » qui est peu dénaturé à la piscine Tournesol de la Cavée à Eragny (95).
La patrimonialisation des équipements sportifs est relativement récente. Pourquoi ? Comment la Région y contribue ?
R. G. : Les tout premiers équipements protégés au titre des monuments historiques en Île-de-France sont les piscines de la Butte aux cailles et Molitor, à Paris, en 1990. À la suite, d’autres types d’équipements ont obtenu cette reconnaissance patrimoniale.
Comme pour toutes les activités qui ont un impact sur la vie quotidienne, la patrimonialisation prend du temps.
La Région Île-de-France étudie des éléments du patrimoine du sport depuis 40 ans et participe à son identification et à sa conservation. Il existe deux types de labels. Le label « Patrimoine d’intérêt régional », depuis sa création en 2017, a distingué 9 édifices du patrimoine sportif comme le rowing-club sur l’île des Vannes à L’Île-Saint-Denis (93) ou la plage aménagée de L’Isle-Adam (95).
De plus, pour préparer cette année olympique, Emmanuelle Philippe, qui a commencé cette étude, a collaboré activement avec la Direction régionale des affaires culturelles de l’Île-de-France en identifiant les sites sportifs emblématiques. Cela a contribué à labelliser 19 édifices « Architecture contemporaine remarquable ».
Avez-vous identifié des réalisations remarquables ?
R. G. : Oui, je pense notamment à la piscine Georges-Tauziet de Meaux (77) qui est à l’origine une architecture industrielle et standardisée. Elle a pourtant une singularité qui conduit les experts à la proposer à la protection au titre des monuments historiques. Pensée pour l’accroissement continu de la population, elle propose 7 modules/travées de tailles différentes qui dialoguent avec le paysage et inondent l’intérieur de lumière naturelle ; il était possible d’ajouter des modules et ainsi d’agrandir l’espace de natation. Malheureusement, cette piscine remarquable n’est plus assez efficiente sur le plan énergétique ; elle est aujourd’hui menacée.
À une autre échelle, je citerai le Parc des sports de Marville, entre les communes de Saint-Denis et de La Courneuve (93). Il regroupe toutes les strates de l’histoire du sport, depuis l’hippodrome du tout début XXe siècle à l’installation de l’Académie du Red Star en son sein, il y a quelques années. Il offre des installations pour bon nombre des sports populaires en Île-de-France et présente des équipements absolument remarquables tels que la piscine des années 1970 ou la double tribune de l’hippodrome. Celle-ci possède une face ancienne tournée vers le terrain de football et une face extérieure, très originale et brutaliste, qui renferme un gymnase et d’anciens espaces annexes.
Comment la Région a-t-elle valorisé cette recherche ?
R. G. : Il était important pour la Région de valoriser cette étude auprès d’un large public. Il y a tout d’abord notre portail de diffusion de nos études inventaire.iledefrance.fr qui permettra de retrouver pas moins de 100 dossiers sur les équipements sportifs et utilisables par différents acteurs.
Avant cela, nous avions voulu revisiter notre fonds photographique en éditant deux ouvrages dans notre collection Réinventaire. Grand Bain (2023) est consacré aux piscines, En Piste (2024) présente diverses typologies comme les stades, les gymnases ou les hippodromes.
Enfin, une visualisation cartographique de ces 100 édifices, dont 34 sites olympiques, est disponible sur la plateforme opendata de la Région et sur l’application bougeott, qui permet de faire du sport (marche ou course) en découvrant des sites remarquables en Île-de-France.
Le mot de la fin ?
R. G. : Au titre de l’héritage des Jeux de 2024, il sera intéressant d’observer l’appropriation par les Franciliens des nouveaux équipements construits sur notre territoire. Si leur reconversion s’avère réussie, la patrimonialisation en sera sans doute facilitée et leur reconnaissance accrue.
En savoir plus
- Site de l'Inventaire général du patrimoine culturel d'Île-de-France
- Galerie Architecture du sport sur la photothèque du patrimoine francilien
- Cartographie « Architecture des sports en Île-de-France : 100 édifices emblématiques dont 32 sites olympiques »
- Sélection d’équipements sportifs labellisés « Patrimoine d’intérêt régional »
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