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femmes victimes de violence aidées par la Région
Podcast : violences conjugales, et si ça nous concernait ?
[Maria]
Pour ces femmes-là, qui ont vécu dans la terreur, c'est vraiment un terrain miné. On peut presque le comparer à un champ de guerre où les explosions peuvent fuser à n'importe quel moment et pour rien.
[Aurélie]
Une stratégie d'emprise qui va faire que les victimes vont être quelque part conditionnées à ne pas réagir, à ne pas aller chercher de l'aide parce que l'agresseur les a persuadées que personne ne les croirait.
[Journaliste]
Vous écoutez « Paroles de Franciliens », le podcast de la Région Île-de-France qui vous donne la parole.
À chaque épisode, nous partons à la rencontre d’étudiants, de bénévoles, d’artisans, de lycéens, d’entrepreneurs, d’agriculteurs ou encore de sportifs.
Ils ont tous bénéficié du soutien de la Région pour s’engager, se reconvertir, ou simplement poursuivre leur passion. Voici leur histoire...
[Journaliste]
Bienvenue dans ce nouvel épisode spécial « femmes », avec 2 Franciliennes.
La Région Île-de-France lutte contre les violences faites aux femmes : en aidant des associations qui œuvrent pour les protéger et grâce à son centre dédié à l’égalité femmes-hommes, le Centre Hubertine Auclert, qui est aussi le berceau de l’Observatoire régional des violences faites aux femmes.
7% des Franciliennes déclarent avoir subi des violences conjugales au cours de l’année.
Maria Barbier, psychologue à l’association L’Escale à Gennevilliers, et Aurélie Latourès nous parlent de cette lutte pour laquelle elles travaillent au quotidien.
[Aurélie]
Je m'appelle Aurélie Latourès et je suis chargée d'études à l'Observatoire régional des violences faites aux femmes du Centre Hubertine Auclert.
Le Centre Hubertine Auclert, c'est un centre de ressources et d'expertise sur l'égalité femmes hommes en Île-de-France qui a été créé en 2009, qui a vocation à accompagner toute personne, toute structure, toute institution qui veut mettre en place un projet, une action en faveur de l'égalité femmes-hommes. Nous avons un centre de ressources situé à Saint-Ouen, dans le 93, qui est aussi accessible en ligne.
Le centre a pour mission principale d'aider au montage de projets, mais aussi de former les professionnels de l'éducation, les élus, les agents des collectivités locales, mais aussi les associations et les syndicats que l'on va aider et renforcer leur capacité à agir en faveur de l'égalité femmes-hommes.
On a une offre de formation en ligne, spécifiquement pour différents types de professionnels dans le domaine des violences faites aux femmes. On va produire des campagnes spécifiques, des guides pratiques, des fiches réflexes pour les outiller en la matière. Et actuellement, un des outils qui est le plus commandé sur notre site, c'est le violentomètre qu'on contribue à diffuser très largement. C’est un outil de sensibilisation grand public sur les violences dans les relations amoureuses qui décrit ce que peut être une relation saine et à partir de quand certains agissements vont constituer des violences et comment trouver de l'aide.
[Journaliste]
Organisme associé de la Région, le Centre Hubertine Auclert fédère à ce jour 273 membres : 142 associations, 19 syndicats et 111 collectivités locales. Il contribue à la lutte contre les violences faites aux femmes à travers son Observatoire créé en 2013.
[Aurélie]
L’idée c'est d'avoir un espace, une structure qui va fédérer, rassembler différents acteurs et actrices engagés dans la lutte contre les violences faites aux femmes à l'échelle francilienne pour améliorer le repérage, la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles en tous points du territoire, en fédérant les initiatives que peuvent prendre les associations, les collectivités locales, l'État et d'autres institutions.
Concrètement, l'Observatoire agit dans 3 directions. Qui dit observatoire dit observer, donc produire de la connaissance pour mieux comprendre aussi les difficultés que peuvent avoir les victimes en Île-de-France pour sortir des violences. Quels sont les besoins qu'elles ont et comment y répondre. Pouvoir outiller aussi les acteurs et actrices publics, donc produire de la connaissance, mais aussi mettre en réseau les acteurs et actrices du territoire francilien.
Renforcer la protection des victimes à travers la production d'outils, la mise en place de formations pour tout type de professionnels. Et enfin, 3e axe, sensibiliser le grand public sur les violences sexistes et sexuelles.
[Journaliste]
En 2021, pour lutter contre ces violences, la Région a investi 1 million d’euros pour soutenir une soixantaine d’associations.
Maria est psychologue. Depuis 18 ans elle travaille pour l’association l’Escale à Gennevilliers.
L’Escale est soutenue par la Région dans le cadre du dispositif « Téléphone Grave Danger ». Ces téléphones sont attribués aux femmes ayant déposé plainte pour violences conjugales, et bénéficiant d'une mesure judiciaire d'interdiction de contact de leur conjoint ou ex-conjoint.
Au quotidien, l’association conseille, héberge et accompagne les femmes victimes de violences, principalement conjugales. L’objectif est de les aider à sortir de cette situation pour se reconstruire.
[Maria]
On est 2 psychologues pour l'accueil, mais on a aussi des collègues dans le travail social et notamment des collègues qui font de l'accompagnement à l'insertion professionnelle et au logement. On a une ligne d'écoute aussi : FVV 92, femmes victimes de violences 92.
Le suivi psychologique ou le soutien psychologique consiste effectivement à accompagner les femmes dans le processus de sortie de la violence. C'est un processus évolutif qui leur permet de franchir un certain nombre d'étapes, à leur rythme.
Le psychologue se positionne d'abord du côté de la souffrance psychique des femmes qui en sont victimes. Il s'agit de les aider à mettre des mots sur ce qu'elles ont vécu, à prendre de la distance ou du recul par rapport à elles-mêmes, par rapport au conjoint violent, à nommer les procédés, les stratégies perverses, les mécanismes de la violence et notamment de l'emprise dans laquelle elles ont été piégées.
Pour certaines, quelques entretiens peuvent suffire, des femmes qui ont déjà déposé plainte et ont déjà entrepris des démarches, qui ont un soutien aussi autour d'elles. Parfois, certaines femmes ont besoin de quelques conseils. On a pas mal de demandes de conseils. L'accueil, c'est aussi informer les femmes sur leurs droits et notamment autour des procédures juridiques, pénales et civiles.
[Journaliste]
Quand on parle de violences conjugales, on pense souvent aux coups, aux marques, aux traces visibles. Mais ces violences ne sont pas que physiques.
[Maria]
Les femmes elles-mêmes ont tendance à… tout ce qui est de l'ordre des violences morales et psychologiques, à ne pas les identifier et à ne pas s'identifier en tant que victimes. Un certain nombre d'entre elles considère que les violences ce sont des violences physiques, c'est quand il y a des coups, des claques. Souvent ça fonctionne par cycles, la violence alterne entre des périodes d’accalmie et des périodes d’explosion qui sont souvent déclenchées par des choses très anodines du quotidien.
L'explosion de violence ça peut être aussi verbale. Ça peut être des attaques, des critiques, hurler, menacer, c'est quelque chose qui terrorise aussi. Dénigrer, à la fois sur leurs compétences personnelles de mère, sur leur tenue ou sur leur manière de se maquiller. Et à critiquer aussi leur entourage, avec l'idée de progressivement les amener à ne plus sortir, ne plus voir leurs amis, puisque ce sont des amis qui ne sont pas fréquentables pour elles. C'est comme si elles étaient colonisées, il faut voir l'emprise sur le psychisme des femmes, au bout d'un certain temps et de violences répétées.
Elles sont dans un état presque en mode survie, dans un état d'hyper vigilance permanent, avec un stress constant, une insécurité constante où elles doivent marcher sur des œufs, puisqu’à tout moment elles peuvent être agressées de toutes les manières qui soient.
Elles disent d'ailleurs que ça fait bien plus mal que les coups. La violence morale et psychologique, les attaques, les micro-violences répétées sur de longues périodes sont beaucoup plus destructrices finalement. Mais aussi toutes les violences économiques et administratives aussi. C'est à dire que ce qui est insupportable pour ces hommes-là, qui sont dans un rapport de domination et de pouvoir, c'est que leur conjointe soit indépendante.
[Journaliste]
Est-ce qu’il y a une demande de leur part et comment arrivent-elles jusqu'à l'association ? Est-ce qu'elles ont déjà eu une prise de conscience avant d'arriver ou est ce qu'elles sont redirigées par…
[Maria]
Le plus souvent ce sont des professionnels. Il y a quelques femmes qui font la démarche seule mais la plupart du temps, elles sont orientées soit par les services sociaux, des assistantes sociales, des médecins, le commissariat aussi beaucoup. Et alors, on a des femmes qui n'ont pas de demandes vraiment explicites, qui sont surtout dans une grande confusion, une grande détresse psychique, très angoissées, submergées aussi par des sentiments de culpabilité, de honte…
[Journaliste]
La culpabilité… On peut se demander pourquoi, alors qu’elles sont victimes, elles se sentent coupables ?
Les mécanismes de manipulation, de perversion de l’esprit, d’emprise, d’enfermement créent un sentiment particulier chez les victimes. Leur agresseur les invite à croire qu’elles n’ont que ce qu’elles méritent.
Maria nous explique ces mécanismes insidieux.
[Maria]
Tout ce qui est de l'ordre effectivement de la critique, du rabaissement, de l'humiliation, ce qui leur permet effectivement d'asseoir plus facilement leur domination et leur toute puissance, puisque ça les fragilise au plan psychologique. Ce qui est mis à mal c'est beaucoup leur image d'elles-mêmes, leur féminité, leur estime d'elles-mêmes…
[Journaliste]
Et elles se raccrochent… À leur agresseur ?
[Maria]
Et elles se raccrochent à leur agresseur, c'est-à-dire que progressivement, elles n'arrivent plus à penser par elles-mêmes. C'est-à-dire qu’elles sont attaquées dans leur identité, leur personnalité et qu'elles vivent dans une peur, une insécurité permanente. Et pour survivre, elles sont obligées de s'adapter aux exigences de leur conjoint. Un silence qui est imposé par l'agresseur, avec toutes les menaces qu'on peut imaginer derrière. Mais aussi un silence et un repli sur elles-mêmes du fait de leur fragilisation. Ce n'est pas que ce sont des femmes fragiles, mais elles sont fragilisées. Ce sont des hommes qui sont souvent dans le déni et qui font porter toute la responsabilité à leur compagne. Donc, tout ce qui leur arrive, c'est leur faute et elles finissent petit à petit, à force d'entendre ces propos, elles finissent par intérioriser le fait que ce sont elles qui sont coupables, responsables et qui déclenchent cette violence-là.
Ils se posent souvent en victimes. Finalement, c'est eux qui subissent dans l'histoire puisqu'elle n'a pas agi de la bonne manière, elle n'a pas géré la bonne manière. Et le souci, c'est que souvent, elles finissent par le croire.
[MUSIQUE] Ulysse Manhes - Pour toi que mon cœur
T’auras beau chercher dans l’horizon, regarder pas la longue-vue.
Au loin les réponses à tes questions, éclairer les malentendus.
T’auras beau dire que tu es malheureuse, répéter que tu te sens incomprise. T’auras beau dire ma pauvre Vénus, je t’ai dans la peau comme la Javanaise.
[Journaliste]
Concernant le profil des victimes, il important de garder en tête que justement, il n’y a pas de profil type.
[Aurélie]
La particularité, c'est que ces violences peuvent s'exercer tout au long de la vie. Qu'elles peuvent concerner toutes les femmes, quel que soit leur milieu social, quel que soit leur milieu professionnel, quel que soit leur âge. En Île-de-France, une grande enquête qu'on a réalisé en partenariat avec l'Institut national d'études démographiques, donc une grande enquête de victimation, a mis en évidence que 7% des Franciliennes ont déclaré avoir déjà subi des violences conjugales au cours de l'année.
[Maria]
Souvent, on a tendance à considérer, à avoir une représentation des victimes comme des femmes fragiles, influençables. En général non, c'est tout le contraire. Ce sont des femmes fortes. Bien au contraire.
Et justement, le travail qu’on fait c’est de les renarcissiser et de les reconnecter à ce qu'elles sont vraiment, à leurs ressources, qu'elles ont perdues, qui ont été détruites, mises en péril, etc. Ce sont des femmes au contraire très battantes, combattives. Et à la limite, ce qui peut pécher chez les victimes, ce qui peut constituer une fragilité sans qu'elles en aient conscience, c’est leur hyperaltruisme, leur hyperempathie, leur combattivité, leur générosité. C'est de toutes ces ressources-là dont vont se nourrir les agresseurs.
Et on sait bien aujourd'hui que la violence au sein du couple touche toutes les cultures et milieux socio-économiques et tous les âges, même si statistiquement, je pense que ça touche peut-être plus une population relativement jeune. On voit aujourd'hui des jeunes au collège, au lycée, qui ne savent pas poser de limites.
[MUSIQUE] Ulysse Manhes - Pour toi que mon cœur
J’te demande pardon, pour le cœur et ses raisons.
Nos larmes en déluge, ont noyé nos cœurs éponges.
De mensonges en mensonges, dans le manège du naufrage.
On lit sur nos visages, qu’on cherche encore un refuge.
Pour s’aimer sous l’orage mon ange.
Pour s’aimer dans la rage mon ange.
Pour oublier les vertiges mon ange.
Pour oublier les messages qui blessent.
Pour effacer les images qui restent.
Pour apaiser nos âmes qui s’assèchent.
Pour replanter dans nos deux cœurs la flèches.
Pour ne jamais sortir du sortilège…
Tous nos faux pas et nos travers : faudrait qu’on apprenne à passer à travers, à passer à travers…
[Journaliste]
Certaines femmes, parfois très jeunes, pensent que ce qu’elles vivent est normal. Que c’est ça une relation amoureuse. Mais finalement, c’est quoi l’amour ? Si elle ne veut pas être éloignée de lui, si elle s’y sent attachée, s’il est jaloux, alors ce doit être ça.
Pour que ces violences ne se perpétuent pas chez la jeune génération, il faut la sensibiliser.
[Maria]
Dans les rapports amoureux, les rapports affectifs, mais même dans l'amitié, une des premières choses, c'est le respect de l'autre, c'est l'altérité. S’il n'y a pas d'altérité, s’il n’y a pas de respect de l’autre, il ne peut pas y avoir de relation amoureuse. Mais comme ils ont souvent des discours, du type : « c'est parce que je t'aime trop, c’est de l'amour, c'est parce que je suis jaloux… » certaines jeunes femmes ou femmes peuvent prendre ça pour de la jalousie et de l'amour, alors que ça n'a rien à voir avec le sentiment amoureux. Ce n'est pas ça du tout.
[Aurélie]
Le Centre Hubertine Auclert et l'Observatoire des violences faites aux femmes en particulier, dès le démarrage s'est dit que pour agir en faveur de l'égalité, pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, il fallait agir dès le plus jeune âge. Donc, on a mis en place chaque année ou tous les 2 ans, des campagnes de prévention à destination des collégiens, collégiennes, lycéens, lycéennes sur différentes thématiques : les violences dans les relations amoureuses avec la campagne « Tu m'aimes, tu me respectes », mais aussi sur la prévention des violences sexuelles avec la campagne « Plus jamais sans mon accord ». Et plus récemment sur l'inceste, pour aborder la question des violences sexuelles aussi, dans le cadre de la famille. Dans chacune de ces campagnes l'idée, c'est de pouvoir tout d'abord nommer les violences, pouvoir nommer l'inceste, nommer les violences sexuelles, les viols, les cyberviolences...
[Journaliste]
Les cyberviolences justement sont de plus en plus courantes et représentent une nouvelle méthode d’emprise.
[Maria]
Notamment par rapport au contrôle. Ce sont toutes les stratégies liées à la cyberviolence. Contrôler leur téléphone, leur boîte mail et parfois même installer des logiciels espions qui leur permettent de savoir exactement où elles se trouvent, avec qui elles sont. On essaye aussi de leur donner des outils, justement pour sécuriser leurs portables, leurs comptes, leur adresse mail. On a une formation d'ailleurs récemment là-dessus.
[Aurélie]
Les formations qu'on met en place au Centre Hubertine Auclert depuis quelques années sont centrées sur des formes de violences pour lesquelles il y a peu de prise en compte, peu de connaissances même à l'échelle nationale. Toutes ces formes de violences se poursuivent et se renforcent en ligne et prennent même des caractéristiques particulières qui nécessitent aussi de pouvoir outiller les professionnels pour mieux les repérer et mieux accompagner les victimes pour faire valoir notamment leurs droits. On a une offre de formation sur les cyberviolences conjugales ou sur les cyberviolences sexistes et sexuelles chez les jeunes, en particulier pour les professionnels de l'éducation.
On a réalisé une grande enquête auprès des collégiens, collégiennes, lycéens, lycéennes. 17% d'entre elles déclaraient avoir déjà été exposées à des formes de diffusion de contenus intimes sans leur consentement ou avoir reçu des photos à caractère sexuel alors qu'elles n'avaient rien demandé. Des formes de cyberviolence sexuelle qui ont des conséquences très graves.
[Journaliste]
Est-ce qu’un homme naît violent, ou est-ce qu’il le devient ? Il est important d’identifier le profil des agresseurs pour atteindre une certaine lucidité et sortir d’une relation toxique et destructrice.
[Maria]
Je ne pense pas qu'un homme naisse violent. C'est la manière dont il est fabriqué, dont il se construit, qui peut l'amener à avoir des comportements violents.
Il y a plusieurs profils en fait. Il y a l'homme violent ordinaire, qui n’est pas construit, on va dire, comme un homme adulte responsable. Qui a des grosses difficultés à gérer ses frustrations, qui a des grosses failles narcissiques quand même, ce sont des hommes qui ont une piètre image d’eux-mêmes et qui ont très peu confiance en eux, qui ont une grosse faille, mais qui ne veulent pas la reconnaître et qui, pour la masquer se mettent dans une position de toute puissance et de domination. L’idée, le but, c'est de soumettre ces compagnes qui, sont très altruistes, très à l'écoute et qui font tout pour que l'autre soit bien. De les amener à les soumettre à leur bon vouloir et qu'elles soient presque à leur service.
En pensant qu’en s'adaptant, en se remettant en question, en faisant à chaque fois plus, à chaque fois mieux, ça va s'améliorer et que les choses vont s'arranger. Qu’il ne sera plus violent, moins violent, qu’il va redevenir gentil comme elles l'ont connu dans les premiers temps de la relation…
Les caractéristiques communes qu'on pourrait noter c'est d'abord le déni. Le déni de leurs comportements violents, le déni de leurs failles, de leur fragilité. Ils ont du mal à mentaliser, à mettre des mots sur les émotions. Ce sont des personnes très impulsives dès qu'elles sont face à une frustration, ou qui sont contredites dans ce qu'elles pensent être la vérité. C'est insupportable pour eux.
Ils n'ont pas d'empathie. Elles le disent souvent, « ma souffrance n'est jamais prise en compte ».
Quelqu'un qui n'a pas d'empathie, c'est quelqu'un qui ne se sent pas coupable. Quand on se sent coupable, on a de l'empathie pour quelqu'un et donc on est conscient. On est capable de reconnaître ses torts, de reconnaître qu'on a dépassé une limite et d'adapter son comportement. Chez ces hommes c'est impossible. Parce que s'ils passent à l'acte, ce n'est pas leur faute, c'est la faute de la compagne.
[Journaliste]
Lorsque qu’une femme atteint un certain seuil, qu’elle réalise qu’elle est en danger et que ce qu’elle subit constitue un délit, elle se rend au commissariat. L’une des clés pour qu’elle puisse se reconstruire est l’accueil et l’écoute qu’elle va recevoir.
[Maria]
Des policiers sensibilisés sont assez réactifs et on peut avoir des réponses assez rapides. Et dans d'autres cas c'est l'inverse, les femmes ne sont pas bien accueillies, ne sont pas vraiment entendues. Parfois même discréditées.
Mais ça fait partie des choses aussi qu'on essaye de travailler avec les femmes, de reprendre ça avec elles parce que c'est une double violence pour elles. C'est-à-dire que c'est déjà une démarche qui est très compliquée, à savoir franchir la porte du commissariat. Mais si on a affaire à quelqu'un qui n'est pas vraiment à l'écoute,
[Journaliste]
Qui ne reconnaît pas…
[Maria]
Qui ne reconnaît pas et qui… Et puis, il faut savoir que quand les femmes font ces démarches, elles sont dans un état où elles sont complètement perdues, vidées, traumatisées, angoissées. Donc, elles n'ont pas toujours un discours très clair. Elles oublient parfois de dire des choses importantes et même les plus graves, parce qu'elles ont vécu beaucoup dans le silence quand même, dans la peur, dans la honte ou dans la culpabilité. Et c'est parfois difficile de trouver les mots. Et si elles tombent sur un policier qui n'est pas vraiment à l'écoute, pas suffisamment disponible ou qui n'a pas la bonne posture ça peut être compliqué, effectivement.
Face à quelqu'un qui manie bien le verbe, qui est à distance des émotions et qui arrive à trouver des stratégies pour discréditer l'autre : si les policiers n'ont pas un minimum de recul, parfois, ils peuvent se laisser piéger aussi. Ils peuvent tomber dans cette manipulation et, du coup, mettre en doute la parole de la victime.
[Aurélie]
On a été à l'origine d'un projet régional de formation des forces de sécurité. Donc policiers et policières, à la fois au niveau national, mais aussi policiers, policières municipales et gendarmes. Les aider à mieux recueillir la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles, ça passe par des formations qui sont réalisées sur site. Notamment pour prendre en compte les effets des violences sur les victimes. Les recherches ont montré l'importance du psychotrauma pour les victimes de violences sexistes et sexuelles, qui explique notamment que lorsqu'elles vont arriver pour déposer plainte, elles ne vont pas forcément réussir à articuler complètement les violences qu'elles ont subies, à pouvoir retracer chronologiquement, de façon très rationnelle, ce à quoi elles ont été confrontées. Et souvent, les professionnels qui ne sont pas formés vont considérer que tous ces éléments-là ont décrédibilisé sa parole en se disant que ce n'est pas vraiment arrivé, sinon elles réagiraient différemment. Donc, l'idée de ces formations, c'est de pouvoir bien définir avec les professionnels ce que sont les violences sexuelles, les conséquences que ça peut avoir sur les victimes, et les outiller pour avoir les bons réflexes.
[Journaliste]
Mais alors comment peut-on améliorer les choses ? Évolution de la loi, reconnaissance des victimes, sensibilisation des plus jeunes… Le chemin est encore long, mais Maria et Aurélie nous expliquent que ce n’est pas une fatalité.
[Maria]
Les évolutions positives, ce serait plutôt du côté de la loi, du côté sociétal aussi. On en parle plus, c'est beaucoup plus médiatisé. Et donc, les femmes libèrent leur parole peut être plus facilement qu'elles ne le faisaient à une époque. Elles sortent du silence parce qu'on en parle davantage et qu'on nomme ça comme étant quelque chose de grave et d'interdit, avec des conséquences graves.
[Aurélie]
C'est important aussi de considérer que ces violences ne sont pas une fatalité,. Qu'il est possible aussi d'être accompagnée pour en sortir, pour se protéger, pour se reconstruire, aussi bien pour les victimes directes que pour les enfants co-victimes. Il y a de nombreuses ressources d'aide qui existent en Île-de-France, de nombreuses associations qu'on peut retrouver sur une cartographie qu'on a réalisé, une cartographie accessible en ligne sur le site orientationviolences.hubertine.fr sur laquelle sont recensés plus de 500 dispositifs associatifs accessibles en Île-de-France en fonction des besoins. Qu'on cherche un groupe de parole, un appui juridique, psychologique, une aide pour la recherche d'emploi suite aux violences subies. Il existe aussi des numéros d'écoute comme le 39 19 ouvert aujourd'hui 24h/24 et 7j/7 ou le chat de l'association En avant toutes pour les jeunes femmes victimes de violences, accessible sur le site commentonsaime.fr. Et on recommande également le chat police mis en place depuis quelques années par le ministère de l'Intérieur, qui permet, pour les victimes de violences sexistes et sexuelles, de pouvoir être conseillées avant une démarche de dépôt de plainte qui est accessible sur le site arretonslesviolences.gouv.fr.
[Journaliste]
C’était Paroles de Franciliens, un podcast réalisé par la Région Île-de-France.
Merci à Maria et Aurélie pour leurs témoignages et leurs actions au quotidien pour cette cause. N’hésitez pas liker, à commenter et à partager. Vous pouvez consulter la description de l’épisode qui contient les liens de tous les outils cités à destination des victimes. Et pour plus d’informations sur l’action régionale pour la lutte contre les violences faites aux femmes rendez-vous sur iledefrance.fr.
À très vite pour de nouvelles paroles de Franciliens.
témoignage
Ils font la Région
Nora Fraisse, fondatrice de la Maison de Marion
Après le suicide de sa fille Marion en 2013, Nora Fraisse a choisi de se battre pour toutes les victimes du harcèlement scolaire en fondant son association, « Marion, la main tendue ». La Région Île-de-France a soutenu la création de la « Maison de Marion », une structure innovante qui entend lutter contre le harcèlement dans sa globalité en intervenant auprès des jeunes et du personnel éducatif.
En savoir plusaction régionale
L'action de la Région pour la solidarité
Petite enfance, seniors, personnes en situation précaire, femmes victimes de violences : la politique de solidarité et de soutien à la famille est une priorité de l’action sociale de la Région.
Pour réduire les inégalités entre les Franciliens, la Région agit en faveur des plus démunis. En témoignent les aides aux associations distribuant de la nourriture en période de grand froid ou offrant un hébergement aux personnes précaires, les aides au départ en vacances ou encore le dispositif tickets-loisirs qui donne accès à des activités gratuites dans les îles de loisirs régionales.
33 M€
de budget régional pour l'action sociale en 2024