analyse Le département Économie de l’Institut Paris Region s’est penché sur la période de mars à octobre 2020 pour dresser un bilan des effets de la pandémie sur différents secteurs d’activité en Île-de-France. Et sur les défis qui en découlent. 3 questions à Carine Camors, socio-économiste et coordinatrice de l'étude.
La crise sanitaire et les confinements qui en ont découlé ont bouleversé la planète. L'Institut Paris Region, organisme associé de la Région Île-de-France, propose un témoignage à partir des observations d’experts sur cette période inédite et historique entre mars et octobre 2020, lorsque l’Île-de-France était à l’arrêt.
« Impact de la crise de la Covid-19 sur l’économie francilienne » : le dossier en bref
Le dossier publié par l’Institut Paris Region propose une lecture actualisée des conséquences de cette crise majeure sur l’économie francilienne, particulièrement touchée, et de sa capacité à rebondir.
Il aborde :
- L'impact économique
Industrie, commerce, tourisme, culture, logistique... : le confinement promulgué le 17 mars 2020 a affecté tous les secteurs de l’économie. Et, malgré le déconfinement engagé début mai 2020, la situation est loin d’être revenue à la normale pour des pans entiers de l’économie du territoire. - Les évolutions dans les domaines du travail, de l'immobilier...
La crise sanitaire s’est traduite par le développement du télétravail, un questionnement sur l’immobilier de bureau, sur l’usage des tiers-lieux, ainsi que sur l’enjeu des infrastructures numériques pour une vie en distanciel. - Les grands défis à relever par l’économie francilienne à l’avenir
Le dossier propose des pistes de réflexion autour de la sobriété, de l’inclusion, de la résilience et de l’innovation.
3 questions à Carine Camors, socio-économiste et coordinatrice du dossier « Impact de la crise de la Covid-19 sur l’économie francilienne» pour l’Institut Paris Region.
Quels ont été les secteurs de l’économie francilienne les plus touchés durant la pandémie ?
Carine Camors : La crise du Covid-19 a été d’une ampleur inédite en Île-de-France. Elle arrive dans un contexte de forte embellie, après 7 années de croissance des emplois en continu et 30.000 emplois créés en moyenne par an. Avec des pics en 2018 (100.000 emplois créés) et en 2019 (92.000 emplois créés). La crise sanitaire a porté un coup d’arrêt à cette dynamique. L’activité a été réduite d’un tiers durant les 2 mois de confinement.
Suite au confinement, on estime qu’en Île-de-France environ 180.000 emplois ont été détruits au premier semestre 2020. Tous les secteurs sont en recul. Les plus fortement impactés par la pandémie concernent ceux qui ont été à l’arrêt ou quasi à l’arrêt suite aux mesures de confinement : le commerce (hors alimentaire), la construction et l’industrie. Et, encore plus fortement, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration et la culture.
Dans le même temps, plus de 3 millions de salariés franciliens ont été concernés par le chômage partiel, soit 2 emplois salariés sur 3. Notamment dans les domaines des arts, du tourisme et de la construction.
Quel peut-être l’avenir de l’immobilier de bureau et des tiers-lieux avec l’essor du télétravail ?
C. C. : La pandémie a accéléré le phénomène du télétravail, déjà à l’œuvre en Île-de-France. La crise a permis de réinterroger les pratiques de travail. Pendant le confinement, 40% des actifs ont télétravaillé alors qu’ils n’étaient que 18% auparavant.
La nécessité de maintenir l’activité à distance a contraint les organisations à surmonter les blocages qui existaient et à généraliser cette pratique. Les effets de ce télétravail se sont fait sentir dans certains quartiers de Paris ou de la Défense, dans les quartiers d’affaires où les bureaux sont restés vides durant cette période.
Alors que faire de ces surfaces vides à l’heure où les mètres carrés manquent pour d’autres usages dans les grandes métropoles, pour le logement par exemple ? Transformer des bureaux en logement, pourquoi pas ?, le fort taux de vacance dans le bureau peut favoriser ce changement d'usage. Certains promoteurs se sont d’ailleurs déjà positionnés. Aujourd’hui, il faut donc penser mutualisation, ouverture, mise à profit de ces mètres carrés privatifs pour les habitants, les usagers du quartier.
La pratique du télétravail devient la norme. Elle a été imposée 5 jours sur 5 et demeure pour l’ensemble des activités qui le permettent depuis fin octobre 2020. Même si la vie de bureau peut manquer à certain : interactions avec les collègues, environnement de travail, etc., une chose est sûre : le bureau tel qu’il existait auparavant n’a plus le vent en poupe.
Smart Work, pour trouver un lieu de télétravail ou en créer un
Smart Work est un smart service proposé par la Région qui permet de trouver facilement un lieu de télétravail près de chez soi. Il donne aussi les clés à tous ceux qui souhaitent en ouvrir un.
Les salariés, notamment les plus jeunes, recherchent des espaces collaboratifs, dans lesquels les échanges peuvent se faire plus aisément. À l’intérieur de l’entreprise, ou bien en dehors, avec les espaces de coworking ou dans des tiers lieux. On a vu une explosion de ces espaces de travail partagés dans les années récentes et leur fréquentation pourrait progresser de plus belle si les entreprises autorisent leur salariés à télétravailler dans ces espaces.
On constate donc que la pandémie de Covid-19 va rebattre les cartes de l'immobilier, avec plus de flexibilité dans les usages. Le lieu de travail va évoluer, on ira parfois au bureau, d’autres jours on télétravaillera chez soi, mais aussi, pourquoi pas ?, chez un voisin, un ami, un collègue. Ou on s’installera dans un espace de coworking dans son quartier. Chacun selon ses besoins !
La crise sanitaire est-elle une chance pour la relocalisation de certaines activités en Île-de-France ?
C. C. : La question de la relocalisation, et plus largement de la souveraineté et de la dépendance, est au cœur des défis de demain pour l'Île-de-France. La rupture des chaînes d’approvisionnement révélée par la crise sanitaire a posé la question de la souveraineté. C’est-à-dire de la nécessité ne pas dépendre complètement des importations et d'exercer une certaine autonomie nationale en matière de production industrielle.
Relocaliser l’économie semble une voie de sortie vers plus de résilience des métropoles. Mais que doit-on entendre par « relocalisation » ? La relocalisation au sens propre du terme, c’est-à-dire le retour d’activités qui avaient quitté le territoire national, semble peu probable et insuffisante pour répondre à l’objectif de réindustrialisation. Depuis 2009, seuls 0,4% des emplois créés sont le fait des relocalisations (-2,1% en 2020).
La relocalisation ne pourra répondre à tous les besoins d’un bassin de consommation de 12 millions d’habitants. En revanche, une production en petites quantités existe, s’appuyant sur une chaîne de valeur locale, servant en priorité un marché régional et français. C’est par exemple ce qui s’est passé dans les fablabs : ils ont produit des masques, des visières, des équipements pour les soignants qui manquaient pendant la pandémie et qui ont été créés grâce au mouvement des makers.
Mais une production en petites quantités concerne également le domaine de la santé. Notamment l’industrie pharmaceutique, qui a subi de plein fouet la vague de désindustrialisation à l’œuvre depuis plus de 30 ans en France et la perte de tous ses sites industriels de production. La question du retour de certaines chaînes de production en Île-de-France, en France ou en Europe afin de sécuriser les approvisionnements se pose désormais.
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