"Terres de Seine" : éclairage par Nicolas Pierrot

Pourquoi cet ouvrage ?

La BAP! était l’occasion rêvée de publier un nouvel opus de la collection Patrimoines d’Île-de-France. En effet, après plusieurs ouvrages thématiques embrassant l’ensemble de la région, nous avons choisi de resserrer la focale sur un territoire plus restreint – tout de même 77 communes couvrant plus de 500 km² ! –, centré sur la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise, pour y dénicher avec méthode et gourmandise l’infinie variété des paysages et des richesses patrimoniales de la vallée de la Seine, entre la confluence de l’Oise et les limites de la Normandie.
Voici les collégiales de Mantes et de Poissy, les châteaux de Rosny, de Romainville à Ecquevilly, de Bécheville aux Mureaux, une constellation de maisons de villégiature – permettant d’égrainer en fin de parcours quelques grands noms de l’architecture moderne, Mallet-Stevens, Sauvage, Le Corbusier –, des mairies, des écoles, sans oublier le patrimoine fluvial et ferroviaire, les carrières, les moulins, les usines tentaculaires de l’industrie automobile, et pour finir l’autoroute A13 (le premier de France) ou les grands ensembles des Trente Glorieuses.

Partout, le palimpseste patrimonial témoigne de l’importance stratégique, sur la longue durée, de la Seine en aval de Paris, axe majeur de circulation et d’échanges ouvert sur la Manche et le commerce international, et de l’emprise croissante, sur ce territoire de refuge – "si loin, si proche" de la capitale –, de la ville tentaculaire qui désormais intègre cette portion de vallée à sa "grande banlieue". C’est aussi l’histoire de cette empreinte, de ses conflits d’espace, de ses tensions et de ses nuisances, autant que la richesse éclatante de ses paysages hérités, que cet ouvrage espère pouvoir suggérer auprès d’un large public.

Le mariage du patrimoine et du paysage

C’est peu dire que nous ne sommes pas partis de rien : depuis plus de trente ans – 1990 très exactement – l’Inventaire général du patrimoine culturel et ses partenaires, en particulier le CAUE des Yvelines, progressent patiemment sur ce territoire, commune par commune, inventaires après inventaires, diagnostics après diagnostics, et ont fini par établir une cartographie de 1117 sites (du Moyen Âge à nos jours) présentés pour la première fois en point d’orgue de l’ouvrage. Depuis l’origine, cette connaissance est mise à la disposition des acteurs du territoire comme un outil pour la défense de leur patrimoine. C’est ce trésor accumulé que nous tentons, avec Roselyne Bussière et Emmanuelle Philippe, de restituer dans la première partie de l’ouvrage, sous la forme d’un long récit historique offrant les clés nécessaires à la compréhension du patrimoine.
Mais ce n’est pas tout. Ce livre est né de la rencontre entre la tradition de l’inventaire du patrimoine avec une double opération exceptionnelle : l’observatoire photographique des paysages de la vallée de la Seine Francilien (par Jérémie Léon et Ambroise Tézenas), et l’inventaire photographique des paysages de Grand Paris Seine & Oise dans le cadre du projet Panorama(s) (par Laurent Kruszyk et François Adam), deux projets de territoire récents, présentés ici avec passion par Hélène Bouisson.

Attendez-vous donc à ouvrir un grand livre d’images ! Vous cheminerez le long de la Seine et sur ses marges, à la découverte de ses grands paysages jalonnés d’artéfacts monumentaux saisis de jour comme de nuit – les tours de la collégiale de Mantes, le château d’eau de Peugeot, les usines Renault de Flins, les cheminées de Porcheville… – avant d’entrer dans l’intimité d’un territoire arpenté sans relâche par les photographes à l’affût de son identité comme de la singularité de ses paysages. Les séries proposées par Julie Corteville et Laurent Kruszyk ont été construites selon une triple logique de confrontation signifiante, de narration visuelle et de progression territoriale. C’est à la découverte de cette liberté rigoureuse que nous convions les lecteurs.

Quelles perspectives ?

Nous avons conçu cet ouvrage comme un outil, un point d’étape et une mise en bouche. Un outil pour les défenseurs du patrimoine, qui pourront y retrouver ou découvrir des éléments majeurs ou plus discrets de leur territoire ; un point d’étape car les connaissances accumulées pourront être mobilisées, par exemple, pour nourrir de nouvelles synthèses thématiques régionales, consacrées à la villégiature, aux "cathédrales de l’industrie" ou au patrimoine ferroviaire d’Île-de-France. Une mise en bouche enfin, car l’interprétation scientifique issue des observatoires photographiques des paysages, qui dépendra en particulier des phases de reconduction inscrites dans la démarche, vient à peine de commencer. Rendez-vous est pris, pour suivre avec attention cette autre "aventure de l’esprit".