Valérie Pécresse a été réélue, le 2 juillet 2021, présidente de la Région Île-de-France à la majorité absolue des 209 conseillers régionaux de la mandature 2021-2028. Retrouvez la vidéo et le texte de son discours d'investiture, prononcé dans l'hémicycle Simone-Veil du Conseil régional, à Saint-Ouen.
Retranscription du discours de Valérie Pécresse, élue présidente de la Région Île-de-France, le 2 juillet 2021
Mes chers collègues,
Je vous retrouve avec plaisir dans cet hémicycle Simone-Veil. En 2010, c’est elle, Simone Veil, qui présidait mon comité de soutien. Aujourd’hui, c’est sous son regard bienveillant que sont placés tous nos débats.
La confiance des Franciliens m’honore et m’oblige.
Je suis fière d’avoir à mes côtés des femmes et des hommes qui ont joint leurs différences et qui en ont fait une richesse. Leur diversité incarne le visage de l’Île-de-France que je veux rassembler autour d’un grand dessein : celui de faire de notre région l’une des plus entreprenantes et des plus belles à vivre d’Europe.
Je salue les élus de l’opposition et, à travers eux, les Franciliens qui n’ont pas voté pour moi mais qui savent qu’ils seront traités avec la même bienveillance attentive.
J’adresse à chacune et chacun de vous, notamment les nouveaux élus, un message de bienvenue.
À un journaliste qui l’interrogeait sur son parcours, Simone Veil eut cette réponse, je la cite : « J’ai souvent eu l’impression d’être une femme alibi. » Dans cette salle, il n’y a pas d’alibi. Nous sommes tous personnellement comptables d’un bien précieux mais fragile qui a pour nom « Démocratie ».
L’abstention historique qui a marqué ce scrutin comme celui des municipales nous dit beaucoup sur l’hypercentralisation des pouvoirs et sur le procès en impuissance qui entoure les responsables publics.
Elle nous parle de la France qui gronde en silence. Elle nous parle des Français qui n’y croient plus, de leur peur du déclassement. Mais je sais qu’il existe aussi dans notre belle région une soif d’avenir et d’un désir de fierté plus puissants que le désenchantement.
Notre devoir n’est pas de faire moins de politique mais d’en faire davantage et autrement. Il est d’assumer des valeurs et des convictions dans la clarté. Notre devoir est d’agir inlassablement pour obtenir des résultats. Et puis, il est d’imaginer le monde qui vient.
Après la crise du Covid, on ne repart pas comme avant, comme si rien n’avait changé. Qualité de vie, télétravail, télémédecine, envie de nature, d’authenticité, circuits courts, produit en Île-de-France... Tout cela converge vers de nouvelles formes de production, de consommation et, disons-le, une façon de prendre la vie dans ce qu’elle a de plus essentielle.
Et puis, il faut tirer une leçon de la gestion de cette épidémie. Et cette leçon, c’est que notre centralisme est à bout de souffle. Dans cette crise, notre région s’est montrée plus agile que l’État et ses administrations. Tandis qu’il hésitait, nous allions chercher ensemble et distribuer les masques en lien avec les maires ; nous organisions la vaccination ; soutenions les entreprises au bord du KO. Bref, grâce à notre proximité avec le terrain, nous avions un train d’avance sur les autres.
Oui, il faut revoir ce centralisme, cette pyramide bureaucratique. Il faut que l’État accepte de lâcher prise. Les Régions pourraient être plus percutantes sur l’emploi si Pôle emploi était décentralisé et regroupé avec toutes les missions locales et les maisons de l’emploi. Sur la santé, stoppons toutes les lourdeurs administratives en plaçant les ARS sous la responsabilité des Régions.
Sur la construction – question vitale en Île-de-France –, laissons à notre collectivité la responsabilité d’ « Opérations d’intérêt régional » qui permettraient d’accélérer les règles et d’écraser les normes calendaires habituelles.
De manière générale, il faut arrêter avec la confusion engendrée par les compétences partagées et une fiscalité qui n’a plus ni queue ni tête. J’appelle à une France nouvelle, irriguée par ses territoires, oxygénée par ses provinces, une France vraiment décentralisée et libérée.
Une France où l’État assurerait puissamment ses responsabilités régaliennes en déléguant aux communes, départements et régions le soin de faire vivre la France près de chez soi.
Je respecte l’État, mais il ne peut pas tout. Notre Région n’est ni son adversaire, ni son auxiliaire. Elle travaillera main dans la main avec lui pour mettre en œuvre le plus grand plan de relance de France. Mais elle saura, quand ce sera nécessaire, lui dire « non », et elle prendra toujours ses responsabilités.
Je les ai prises sur les questions de sécurité, de laïcité, de santé face au Covid... Certains me l’ont reproché mais lorsque les Franciliens vous interpellent avec angoisse, devons-nous répondre : « Ça n’est pas notre compétence » ?
Non, le fatalisme ne sera jamais notre ligne de conduite. L’immobilisme non plus car les urgences sont devant nous.
L’urgence économique et sociale car notre Région a été la plus frappée de France par la crise du Covid. Nous devrons aller chercher la croissance avec les dents car le « quoi qu’il en coûte » ne durera pas.
L’urgence écologique car notre région capitale est l’une des plus concernées par les dérèglements climatiques. Le dernier rapport du GIEC est un ultime signal d’alarme qu’aucune nation ne doit ignorer.
L’urgence républicaine enfin car c’est chez nous, plus qu’ailleurs, que la délinquance et les séparatismes doivent être combattus.
Devant ces urgences, je serai dans l’action et je le serai pour tous. Déterminée à servir l’intérêt régional avant les intérêts particuliers. Déterminée à additionner l’énergie de tous les Franciliens et à ne laisser personne au bord du chemin.
Pour moi, il n’y a pas des maires de droite et des maires de gauche, il n’y a que des élus de la République. Il n’y a pas les villes d’un côté, les campagnes de l’autre. Il n’y a pas un bon ou un mauvais côté du périphérique, et, à ce titre, je demanderai un référendum sur l’avenir de cet axe stratégique.
Je m’engage avec vous pour une Île-de-France fraternelle, en bleu, blanc, rouge. Une Île-de-France où la République est partout chez elle, respectée. Et lorsque ce respect est bafoué, alors l’autorité doit s’imposer sans trembler car le laxisme est l’antichambre du chaos. Et ce chaos, je le vois lorsque nos forces de l’ordre, nos pompiers, nos enseignants sont obligés de reculer devant la violence.
Il faut une nouvelle politique urbaine. Il y a des ghettos à casser et des quartiers à reconstruire. Il y a une mixité sociale en voie de disparition qu’il faut rétablir avec une stratégie de peuplement maîtrisée et un plafond anti-ghetto de 30% de logements sociaux. Je le dis, ajouter la misère sur la pauvreté, l’immigration illégale sur l’intégration ratée, tout cela mènera à la catastrophe.
À toutes les familles, nous rapporterons de la sécurité, de l’éducation et une agence de la promesse républicaine pour réparer l’ascenseur social.
Notre Région sera au côté des quartiers populaires comme elle sera au côté des territoires ruraux qui ne sont pas les vestiges de la France d’hier. Bien au contraire, l’avenir leur appartient. Nous leur proposerons des classes d’enseignement supérieur dans chaque lycée rural. Nous appliquerons le principe « tout à 20 minutes » : soins, écoles, commerces, équipements sportifs et culturels. Nous créerons l’agence « Cap rural », qui accompagnera les petites communes dans le montage de leurs projets.
Notre rééquilibrage des investissements vers la grande couronne et la révolution des transports que nous allons accélérer réveillera ces villes moyennes et villages que l’on disait endormis. Notre objectif est de doubler l’offre de transports en commun et, bientôt, nous célébrerons l’ouverture du Grand Paris Express et du RER Vélo. En 12 ans, nous aurons alors bâti la plus belle infrastructure de transports d’Europe.
Votre feuille de route, mes chers collègues, est bien remplie. Nous ne laisserons pas le temps au temps. D’ici la fin de l’été, nous voterons et commencerons à appliquer 80% de mes engagements.
Ensemble, nous allons rallumer tous les moteurs de la croissance car comment créer de la justice sociale sans produire ? Je serai toujours aux côtés des entrepreneurs, commerçants, agriculteurs, artisans. Je ferai confiance aux chercheurs, aux innovateurs, aux créateurs.
De toutes nos forces, nous accompagnerons notre plan de relance. 13 milliards seront investis d’ici 2022. Ils le seront en faveur de nos transports, de la santé, de la transition écologique, de l’emploi des jeunes avec notamment la création du Revenu jeune actif de 4.000 euros pour ceux qui s’engagent à se former aux métiers qui recrutent, ou la Banque des jeunes.
En faveur naturellement de nos entreprises. Priorité sera donnée à celles qui travaillent, investissent et recrutent chez nous. Nous effacerons la dette Covid pour 7.000 d’entre-elles qui ont été aidées par notre Fonds Résilience et nous créerons un fonds d’investissement pour épauler celles qui ont besoin de fonds propres.
Tout notre défi est d’allier croissance et écologie. La croissance sans écologie serait une folie ; l’écologie sans croissance serait un suicide. Nous nous battons pour une écologie concrète, celle des solutions et des résultats.
Depuis 2015, face à l’urgence climatique et à la montée de toutes les pollutions, nous avons engagé le tournant écologique de la Région. Notre effort financier est spectaculaire. 1 euro sur 2 a été et continuera d’être consacré à l’environnement. 10 milliards d'euros sur 5 ans !
Je l’ai dit, nous irons au bout de la révolution des transports en commun en donnant une priorité absolue au RER et en doublant les kilomètres de métro et de tram.
L’entrée en vigueur en juin dernier de la zone à faible émission – la ZFE – à l’intérieur de l’A86 risque de se traduire par une nouvelle fracture sociale pour beaucoup de ménages qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule.
Nous leur proposerons une prime jusqu’à 6.000 euros pour les aider à acheter une voiture propre. Nous ferons aussi de l’Île-de-France la première région du vélo. Pour nos PME, nous mettrons en place un chèque écologique de 1.500 euros pour encourager les pratiques vertueuses. Nous remettrons la nature en ville pour créer des poumons verts, une trame verte et bleue le long de nos fleuves et rivières, et des îlots de fraîcheur ouverts à tous. Nous généraliserons les produits bio et locaux dans les cantines des lycées. Nous poursuivrons le budget participatif environnemental régional de 100 millions d'euros par an.
Mes chers collègues, la sécurité des Franciliens est l’une de mes priorités absolues. Il n’y a pas de République sans ordre, il n’y a pas non plus de laïcité sans fermeté sur nos principes.
Avec notre Bouclier sécurité, nous continuerons de soutenir la police nationale, la gendarmerie, nos polices municipales que nous souhaitons voir armées. Nous continuerons d’étendre la vidéoprotection avec l’ouverture de 2 centres de supervision: un pour les transports et l’autre pour les lycées. Nous augmenterons les effectifs de la police régionale des transports. Nous doublerons nos brigades régionales de sécurité qui agissent dans les lycées qui appellent à la rescousse.
Mais il manque à cette sécurité renforcée le pouvoir de la dissuasion et de la sanction. La Justice est la grande abandonnée de nos politiques publiques. Trop de peines ne sont pas appliquées. Cette impunité nourrit la délinquance. Puisque l’État semble débordé, je vous propose de créer l’Agence régionale des TIG, qui réunira les collectivités locales et toutes les organisations susceptibles de proposer des travaux aux jeunes primo-délinquants. Elle aura un principe directeur : « Tu casses, tu répares... et vite ! » Aujourd’hui, il se passe en moyenne 400 jours entre le prononcé d’une peine et la réalisation des travaux d’intérêt général. C’est inacceptable.
Je vous propose aussi de participer au financement de nouvelles places de prison et au doublement des centres éducatifs fermés pour les mineurs qui ne doivent pas se retrouver incarcérer dans des maisons d’arrêt qui sont des écoles du crime et de la radicalisation.
Je parle d’insécurité sans naïveté et nous agirons contre elle sans faiblir. Mais je ne veux pas qu’elle occulte l’espoir et l’énergie portés par notre jeunesse. Je vois dans toute la région des Franciliens qui se battent pour réaliser leurs rêves.
Nous serons à leurs côtés, avec les aides aux lycéens, les bourses au mérite, avec le soutien à la reprise d’études, avec la Banque des jeunes pour les valoriser et les aider à réussir.
Nous lutterons contre toutes les fractures territoriales et sociales. Nous continuerons d’être partenaires des grands réseaux associatifs qui tendent la main aux personnes fragiles, mais aussi des associations qui innovent au plus près du terrain. Nous serons auprès des familles. Nous diviserons par 3 le prix du repas pour les lycéens défavorisés. Nous agirons pour l’accessibilité universelle et l’inclusion des Franciliens handicapés. Nous nous battrons pour une santé de qualité pour tous et partout. Dans chacune des 280 villes de plus de 10.000 habitants, nous veillerons à l’installation d’une maison de santé, et nous créerons la première mutuelle régionale de santé afin de réduire les tarifs des mutuelles, jusqu’à 30% d’économies.
J’installerai l’Agence de la promesse républicaine qui viendra en appui des décrocheurs scolaires, des jeunes en recherche d’orientation, exclus des circuits de l’emploi ; une agence qui sera la défenseure des discriminés et le tremplin de l’égalité des chances.
Nous serons auprès des adolescents que le Covid a souvent plongé dans une vraie détresse. Il y a 6 ans, nous avions 200 lycées vétustes et 20.000 élèves dans des préfabriqués. Nous avons fait le maximum pour rattraper le temps perdu. En 2027, tous les lycées seront neufs ou rénovés. Nous continuerons à les équiper d’ordinateurs, de WiFi. Nous créerons une réserve régionale d’enseignants retraités pour prévenir l’échec scolaire.
Nous amplifierons nos actions en faveur du sport et de la culture, avec un passe Navigo Culture qui ouvrira aux Franciliens les portes de 200 institutions culturelles. Nous serons les défenseurs du patrimoine qui symbolise la France éternelle et tout autant les promoteurs des artistes et des créateurs contemporains. L’Île-de-France doit être, dans le monde, le foyer de tous les rayonnements artistiques et intellectuels.
Nous pouvons être fiers de notre Histoire et savoir admirer ses grandeurs. Nous devons nous plonger dans notre culture et nos savoirs : elles sont nos armes contre la barbarie, le populisme.
Voilà, mes chers collègues, les grandes lignes de notre projet. Il est ambitieux mais ma détermination est intacte. Nos finances sont en ordre. La solidité de notre gestion nous permet de rêver plus grand. Notre Région est la seule à avoir baissé ses dépenses de fonctionnement et ses impôts, sans augmenter sa dette. J’ai déménagé notre siège de Paris à Saint-Ouen car la Région doit prendre sa part dans la renaissance de tous ses territoires.
Dans 6 ans, j’en ai la certitude, notre région sera encore plus forte, plus belle et plus solidaire. Notre responsabilité est grande car notre Île-de-France, c’est un concentré de la France, avec ses plus grands atouts mais aussi ses plus grandes fragilités, avec son unité républicaine qu’il faut restaurer, avec le progrès économique et social qu’il faut relancer, avec cette fierté française qu’il faut partager.
Si nous réussissons ici, nous serons source d’inspiration bien au-delà des frontières de notre région.
Chers collègues, au nom des Franciliens, je vous dis merci de votre engagement. Et maintenant, au travail !
Seul le prononcé fait foi.
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