témoignage Soutenu depuis 2015 par la Région dans le cadre du dispositif PM'Up, l’Atelier de Ricou restaure les monuments historiques régionaux, nationaux et internationaux. Stéphanie de Ricou, sa cofondatrice, livre son regard d’experte sur les métiers de la restauration patrimoine. Interview.
Qu'est-ce que l'Atelier de Ricou ?
Stéphanie de Ricou : Nous sommes créateurs et restaurateurs de décors muraux le plus souvent peints, mais aussi dorés et sculptés. L’Atelier a été créé il y a 30 ans par Cyril de Ricou. Nous sommes maintenant une trentaine d’artisans, spécialistes, techniciens, architectes du patrimoine, doreurs, restaurateurs… à œuvrer ensemble dans le cadre d’un atelier pluridisciplinaire mais spécialisé dans le décor mural.
Quels sont les bâtiments sur lesquels vous travaillez ?
S.d.R. : Nous intervenons pour des bâtiments de la période du XVIe siècle à nos jours, le plus souvent inscrits ou classés au titre de monument historique, appartenant à l’État, aux collectivités ou privés. Nous sommes en ce moment en chantier à l’hôtel de la Marine à Paris pour mettre au jour des décors originaux de la fin du XVIIIe siècle. Nous travaillons aussi au château de Versailles sur la restauration de dorures, sculptures et décors peints dans le salon de la Paix et la salle des Gardes de la Reine. Le patrimoine régional est d’une richesse exceptionnelle et s’est enrichi de tous les apports que lui a conférés la place centrale de Paris à travers les siècles, avec des artisans venus de toute l’Europe.
La restauration du patrimoine, « des métiers de passion »
Qu’aimez-vous dans votre métier ?
S.d.R. : Ce que nous aimons peut-être le plus dans notre métier est que chaque projet est absolument unique et qu’il ne ressemble ni au précédent, ni au suivant. C’est à chaque fois presque une histoire d’amour avec un lieu. En tout cas, une aventure dont nous ressortons toujours enrichis intellectuellement et techniquement. Nous n’en finissons pas d’apprendre, nous devons nous réapproprier des techniques parfois quasiment en voie de disparition.
Que diriez-vous à un jeune pour l’orienter vers les métiers du patrimoine?
S.d.R. : Ce sont des métiers de passion, dans lesquels on ne s’ennuie jamais. L’enthousiasme y reste entier bien des années après avoir démarré et, outre la variété des lieux et des œuvres à restaurer, ce sont aussi des métiers de rencontres humaines.
De réels débouchés
Quels sont les débouchés ?
S.d.R. : Les débouchés existent et peuvent être encore à créer. La restauration du patrimoine est un secteur qui ne s’épuise pas. De nombreux chantiers démarrent chaque semaine. Et, qui plus est, l’homme et la main ne peuvent être remplacés par la machine.
Comment se passent les recrutements ?
S.d.R. : La main-d’œuvre n’est pas toujours facile à trouver. Certains chantiers, comme l’hôtel de la Marine où nous sommes plus de 20 en ce moment, requièrent des équipes pharaoniques pendant quelques mois. Il faut aussi des spécialistes car chaque cas est particulier. La polyvalence est nécessaire et nous sommes toujours à la recherche de nouvelles mains.
La difficulté à trouver des collaborateurs tient aussi dans le très haut niveau de technicité requis, qui conjugue l’habilité manuelle avec des connaissances techniques voire scientifiques et une certaine culture de l’histoire de l’art.
De nouvelles vocations avec Notre-Dame de Paris
Participeriez-vous à la restauration de Notre-Dame si on vous le proposait ?
S.d.R. : Nous serions bien sûr honorés et heureux d’y prendre part. Mais les dommages les plus importants, qui vont requérir de nombreux artisans, sont la charpente, la couverture et la taille de pierre… Aucune de nos spécialités. Mais sait-on jamais sur les quelques polychromies existantes ?
Selon vous, comment faire face aux besoins de main-d'œuvre qui apparaissent aujourd’hui pour rénover la cathédrale ?
S.d.R. : Il se peut en effet que le chantier de restauration et de reconstruction de Notre-Dame assèche certains corps de métiers, particulièrement les tailleurs de pierre. Il est probable que les entreprises devront faire appel à des artisans européens (italiens, allemands, tchèques), car pour ce genre d’ouvrages hors norme, les recherches de compétences se font dans une zone élargie. Et ces échanges ont toujours participé à l’enrichissement de la connaissance et des techniques.
La perspective que nos métiers, loin de l'étrange monde virtuel qui se crée, éveillent des vocations, est un immense réconfort pour nous.
Cette immense reconstruction pourrait-elle susciter de nouvelles vocations ?
S.d.R. : Oui, on peut y voir en effet une opportunité pour continuer à sensibiliser sur l’importance de notre patrimoine architectural exceptionnel. Un patrimoine commun qui repose sur quelques milliers d’artisans, d’artistes et d’ouvriers qui consacrent leur vie entière, dans des conditions souvent difficiles, à le restaurer et à l’entretenir. Ces métiers devraient quasiment être classés comme le sont les bâtiments ! Mais il est en effet possible que nos métiers, si loin de l’étrange monde virtuel qui se crée, éveillent de nouvelles vocations, dans le même esprit que le retour aux cultures agricoles traditionnelles. Cette perspective est d’un immense réconfort pour nous.
Métiers de l’artisanat : des besoins et des formations
550 artisans devraient être nécessaires à la reconstruction de Notre-Dame de Paris, si le choix est finalement fait de rebâtir la cathédrale selon les techniques d'origine.
Environ 100 maçons, 100 tailleurs de pierre, 150 charpentiers et 200 couvreurs devaient y travailler plusieurs années. Pour combler les besoins, il va être nécessaire d’augmenter le nombre de jeunes en formation.
856 apprentis sont en cours de formation pour devenir tailleurs de pierre, charpentiers, menuisiers, couvreurs et sculpteurs en Île-de-France.
Rendez-vous sur Oriane.info, le portail francilien de l'orientation, la formation et l'emploi, pour en savoir plus sur les métiers et les formations existantes de :
- couvreur,
- charpentier,
- tailleur,
- maçon,
- les métiers d’art en général.
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