Biennale d'architecture et de paysage de la Région L'une des expositions à découvrir gratuitement à la Bap!, à Versailles, jusqu'au 13 juillet 2025 met en lumière des projets qui réparent, transforment et adaptent les villes face aux défis environnementaux actuels avec une originalité : le recours à des matériaux recyclés. Les explications de Cécile Diguet, co-commissaire de l’exposition.
Face aux défis majeurs de notre époque — dérèglement climatique, érosion de la biodiversité, raréfaction des ressources —, l’expo « Tout garder/Tout changer. Réparer et prendre soin des villes », à voir gratuitement à la Biennale d'architecture et de paysage (Bap!) de la Région à Versailles (78) jusqu'au 13 juillet 2025, explore les chemins d’une transformation urbaine radicale et nécessaire.
À travers 9 récits inspirants, illustrés par l’autrice de bande dessinée Coline Hégron, cette expo met en lumière des projets innovants en architecture, urbanisme et paysage qui repensent la ville de demain et... réalisés avec des matériaux réutilisés, issus de chantiers et d’événements récents. Un choix d'autant plus intéressant que 70% des déchets produits en France proviennent du bâtiment et des travaux publics.
Cette invitation à imaginer collectivement des espaces plus durables, solidaires et vivants est scénographiée par Atelier +1 et studio lebleu, et portée par l’Institut Paris Region.
Interview de Cécile Diguet du Studio dégel, co-commissaire de l’exposition « Tout garder/Tout changer » avec l’architecte Christine Leconte
Comment est née cette exposition sur le thème de la transformation durable des villes ?
Cécile Diguet : Penser les villes autrement, leur transformation, leurs évolutions, est un levier formidable pour réduire les émissions carbone des secteurs de la construction et des mobilités. Mais aussi pour limiter l'effondrement de la biodiversité, améliorer la qualité de l'air que l'on respire, restaurer les cycles de l'eau, renforcer le lien social et construire une ville où tout le monde peut jouer, marcher, discuter confortablement dans les espaces publics, les places et les parcs.
Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les villes aujourd’hui ?
C. D. : Les villes sont confrontées à 3 enjeux principaux. D'abord, passer de grands gestes architecturaux et de planification urbaine à une pensée de la « dentelle urbaine » : comment surélever là où il faut, mutualiser des équipements publics et des cours d'école, comment mettre en place des plateformes de réemploi du bâtiment pour faire avec le « déjà là », connaître le stock de friches et limiter les logements vacants... Ensuite, le second enjeu est de concilier justice sociale et environnementale pour que les changements de modes de vie, de pratiques du quotidien, de mobilités œuvrant à de meilleurs équilibres planétaires ne fragilisent pas certaines populations. Cela veut dire des politiques publiques équitables et des politiques de redistribution. Enfin, il y a un très grand enjeu de formation des professionnels et de consolidation de filières, notamment du bâtiment sur les questions de maintenance (comment concevoir pour que ça dure, comment entretenir mieux pour que ça dure et se transforme), sur la mise en œuvre de matériaux écologiques : bois, terre, paille, chanvre...par exemple.
Comment les projets présentés dans l’exposition proposent-ils de les relever ?
C. D. : Dans l'exposition, nous partageons d'abord des imaginaires nouveaux et paisibles pour les villes de demain, grâce notamment à Coline Hégron, illustratrice de talent, qui a illustré neufs récits de soin et de réparation des villes. Ensuite, nous présentons une quarantaine de projets d'urbanisme, d'espaces publics, d'architecture, qui œuvrent à ces transformations du « déjà là ». Une caserne de gendarmes devient un ensemble de logements sociaux ; des autoroutes urbaines se métamorphosent en avenues partagées entre piétons, vélos, voitures ; une église devient un centre d'art ; des projets mettent en œuvre des éco-matériaux ; des acteurs proposent des approches malignes de densification pavillonnaire tout en consolidant le lien social... Vous les découvrirez !
L’exposition aborde la question de la transformation de bâtiments existants. Quels sont les avantages de réutiliser ces structures plutôt que de les démolir et de repartir de zéro ?
C. D. : Le bilan carbone et environnemental est assurément beaucoup plus bas pour une transformation qu'une démolition.
Dans quelle mesure les projets présentés dans l’exposition peuvent-ils être appliqués concrètement à grande échelle dans des villes déjà existantes ?
C. D. : Il y a déjà un mouvement global dans de nombreuses villes du monde notamment pour réduire la place des voitures, mieux partager les espaces publics, et ainsi améliorer la qualité de l'air. Le Covid a d'ailleurs accéléré le développement de pistes cyclables de Buenos Aires à Paris en passant par Londres ou Bogota. Ceci fonctionne car les espaces publics et les rues, sont de gestion publique. Quand il s'agit d'orienter les promoteurs, les constructeurs, les propriétaires pour transformer les façons de construire, la tâche est plus difficile et il faut une forte volonté politique.
L’exposition met l’accent sur l’importance de renforcer les liens sociaux en ville. Comment les transformations proposées contribuent-elles à créer des espaces urbains plus inclusifs et solidaires ?
C. D. : Des espaces où les personnes âgées et les enfants ont leur place sont des espaces que tout le monde peut s'approprier.
Le projet Frizon par exemple à Umea en Suède montre comment on peut aussi donner leur place aux adolescentes en ville ; celui de la rue Pépin à Montreuil, comment on peut co-construire du mobilier bois pour transformer un espace public avec des lycéens et des lycéennes. Faire ensemble, c'est aussi renforcer le lien entre les personnes, mais aussi avec leur environnement pour qu'elles le soignent encore plus.
Vous parlez d’une « action collective » pour transformer nos villes. Quels sont les rôles des différents acteurs (architectes, urbanistes, citoyens, collectivités) dans cette réinvention de la ville ?
C. D. : Tous les acteurs sont essentiels pour aller ensemble vers ces transformations, avec un gros sujet sur les questions de formation des professionnels notamment du bâtiment, et de soutien public aux transformations des filières.
Enfin, si vous deviez résumer l’objectif principal de cette exposition en une phrase, quel message aimeriez-vous que les visiteurs retiennent après leur passage ?
C. D. : Ouvrir des imaginaires positifs et fédérateurs, toucher par la sensibilité aux histoires vécues, comprendre que le changement est possible et qu'il y a déjà de très nombreuses initiatives en cours !
Informations pratiques
Tarif : Gratuit
Lieu : Ancienne Poste - 3, avenue de Paris - 78000 Versailles
Horaires : du mardi au vendredi 12h-19h et samedi et dimanche 11h-19h
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