littérature L'écrivain sénégalais auréolé du Goncourt pour « La Plus Secrète Mémoire des hommes » a expliqué, en avril 2022, sa passion pour les livres et l'écriture à 150 élèves du lycée Fragonard de L'Isle-Adam. Une rencontre littéraire de qualité organisée dans le cadre d'un des dispositifs d'éducation artistique et culturelle phares de la Région Île-de-France.
Au lycée Fragonard de l’Isle-Adam (95), les élèves avaient un cours exceptionnel le mercredi 13 avril 2022. À leur programme : une Leçon de littérature, c'est-à-dire une action d'éducation artistique et culturelle de la Région Île-de-France leur permettant de rencontrer un écrivain pour de très riches échanges.
De la seconde à la terminale, 150 d’entre eux, de tous niveaux et de toutes filières, ont ainsi eu la chance d'écouter Mohamed Mbougar Sarr, lauréat du prix Goncourt 2021 pour son roman La Plus Secrète Mémoire des hommes, puis de dialoguer avec lui, en présence de Anne-Louise Mesadieu, déléguée spéciale chargée du Développement solidaire et de James Chéron, vice-président chargé des Lycées du Conseil régional d'Île-de-France.
Un auteur que la Région avait par ailleurs soutenu dans le cadre d'une résidence d'écrivain dans un lieu public, où il a pu non seulement écrire mais aussi partager son expérience du processus de création (voir interview plus bas).
Les Leçons de littérature de la Région Île-de-France
Mises en place en 2017, les Leçons de littérature s’adressent à tous les élèves des lycées d’enseignement général, technologique, professionnel et agricole d’Île-de-France.
Le principe : un auteur intervient de manière magistrale devant les élèves de 3 à 5 classes d’un même lycée, afin de témoigner des enjeux de la littérature à partir de ses expériences d’écriture, de ses sources d’inspiration, de ses lectures, de ses réflexions ou de son imaginaire.
La leçon est suivie d’un temps d’échange avec les élèves.
Chaque année, 100 Leçons sont programmées, dans 100 lycées. Elles mobilisent une cinquantaine d’auteurs.
Une leçon magistrale par Mohamed Mbougar Sarr
C’est sous les applaudissements nourris de son audience du jour que l’écrivain sénégalais de 31 ans s’est avancé pour délivrer sa leçon. Timide de prime abord, mais dégageant une aura apaisante et chaleureuse, il a immédiatement captivé les élèves avec un discours clair, aux mots savamment posés, avec calme, recul et sincérité.
« On me demande de faire une leçon de littérature. C’est toujours problématique pour moi car j’estime que la littérature ne se professe pas, démarre l’écrivain. Alors je vais essayer de répondre à 2 questions que l’on me pose le plus souvent : comment devient-on écrivain ? Et qu’est-ce que cela signifie concrètement ? » annonce-t-il en préambule.
La suite de la Leçon de Mohamed Mbougar Sarr est une ode à la littérature, à la passion du livre et de l’écriture. Pendant 1 h, c'est une invitation au voyage et au rêve qui se déploie, ponctuée d’anecdotes sur les grands noms de la littérature et de digressions sur son parcours personnel. L'écrivain évoque ainsi son initiation à la littérature qu’il doit aux femmes de sa famille, qui lui racontaient mythes et contes quand il était petit. Il aborde également le regard des autres au moment de son arrivée en France, le retour du public sur ses livres, ses méthodes d’écriture et, bien sûr, son prix Goncourt, décerné en 2021.
Des élèves conquis...
Quand arrive le temps des questions, nombreuses sont les mains levées. « Comment sait-on qu'un livre est plus important qu'un autre ? » demande une élève. « Comment a été accueilli votre roman au Sénégal ? », lance un autre quand son camarade préfère demander comment et quand Mohamed Mbougar Sarr a su qu'il voulait devenir écrivain.
Les élèves, captivés, ont profité d’un grand temps d’échange avec l’auteur après la Leçon, ce qui leur a permis de poser des questions pointues et préparées. Très à l’aise dans cet exercice aussi, Mohamed Mbougar Sarr a ensuite été ovationné par son jeune public qui s’est empressé de faire la queue pour obtenir une dédicace.
Les lycéens se sont régalés et ont peut-être découvert un autre visage de la littérature. « C’était très enrichissant. Si tous les cours pouvaient être comme celui-là, ce serait super. Écouter quelqu’un parler comme ça, avec passion et pédagogie, j’ai adoré », confie Sarah, lycéenne en 1re. Qu'ils soient de profil littéraire ou non, cette rencontre avec cet auteur singulier marquera à coup sûr les élèves du lycée Fragonard.
... et des enseignants comblés
De quoi rendre fiers leurs professeurs. « C’était très réussi, s’est réjouie Marie, enseignante en histoire géographie. Cela me semble même fondamental comme rencontre pour nos élèves. Ils entendent le même discours que le nôtre mais présenté par quelqu’un d’extérieur, qui est parfois plus convaincant. Cela permet d’ouvrir le regard, de laisser quelque chose mûrir dans l’esprit de chacun. J’ai aussi apprécié le fait qu’il ait incité à la fois à la lecture et à l’écriture en dehors de toutes les restrictions que l’on pourrait s’imposer ou que le cadre scolaire exige. »
Rencontre avec Mohamed Mbougar Sarr
Le lauréat du Goncourt 2021 en était à sa 3e intervention dans le cadre des Leçons de littérature de la Région Île-de-France.
Qu'est-ce que vous avez pensé de cette rencontre avec les lycéens ?
Mohamed Mbougar Sarr : J’ai essayé d’avoir un propos à la fois assez général mais aussi très personnel sur la littérature, sa pratique, son origine, le désir d’écrire… Et comment concrètement cela se traduit dans mon quotidien, dans ma vie. J’ai trouvé par la suite leurs questions très pertinentes, très sensibles, très profondes. Elles portaient sur des choses que j’ai pu dire, mais aussi à la littérature en général. Les jeunes se posaient beaucoup de questions que je me posais aussi à leur âge. J’espère avoir pu apporter quelques réponses. C’était une rencontre très agréable.
Envisager la littérature comme quelque chose de vivant, de contemporain, d’actuel, d’actif, est parfois difficile à concevoir pour les élèves. »
Mohamed Mbougar Sarr
Est-ce difficile d'intéresser les jeunes à la littérature ?
M.M.S : La littérature a quelque de chose de très impressionnant de par son poids. Son poids dans l’Histoire, le poids des grands noms qu’on étudie en classe… Envisager la littérature comme quelque chose de vivant, de contemporain, d’actuel, d’actif, est parfois difficile à concevoir pour les élèves. Tout le défi est d’arriver à montrer que, certes, la littérature est une histoire, un patrimoine, mais que c’est aussi quelque chose qui est en acte, qui se vit, qui se transmet, qui se partage aujourd’hui et maintenant. Et tout dépend de la manière dont c’est incarné. Je suis convaincu que ce type de dispositif permet à beaucoup de lycéens d’être moins impressionnés, tétanisés ou ennuyés par la littérature à partir du moment où ils voient ceux qui la font leur en parler.
Vous avez participé à une résidence d'écrivain de la Région Île-de-France lors de l'écriture de La Plus Secrète Mémoire des hommes, qu'avez-vous pensé de ce dispositif ?
M.M.S : J’ai trouvé cela très utile. J’ai eu la chance d’être reçu dans un lieu que je trouve très beau et trop méconnu encore, le musée du Palais de la Porte Dorée, à Paris (12e). Il prend en charge des questions qui traversent la société française d’aujourd’hui. On y parle de colonisation, de la lucidité qu’il faut avoir devant l’Histoire, du devoir de mémoire, de la réparation mais aussi du fait d’être tourné vers un avenir commun.
Ce lieu-là porte ces questions à travers des expositions, des conférences et des résidences. Les travaux que j'y ai menés ont été extrêmement fructueux dans mes réflexions. J’ai eu l’opportunité de participer à des ateliers d’écriture, à des conférences, et tout cela avait nourri mon travail d’écriture à l’époque. Cela m’avait permis de rester en alerte et d’interroger sans cesse ce que je voulais. Finalement, une partie de mon roman en est ressortie. J’ai beaucoup aimé ce moment, il a été très important pour moi au moment de l’écriture.
En images la leçon de littérature de
Mohamed Mbougar Sarr au lycée Fragonard
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