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Villégiature Parcourez l’histoire et les images de la maison de campagne du financier Carré de Baudouin, datant du XVIIIe siècle, inspirée de maisons rurales italiennes. Un extrait de la publication « Châteaux, villas et folies. Villégiature en Île-de-France », parue aux éditions Lieux Dits.

Le Pavillon Carré de Baudouin, situé en haut de la rue de Ménilmontant, est un vestige remarquable de l’époque où Belleville était un village qui attirait les Parisiens en quête de belle vue et de bon air. Ces terres, longtemps restées agricoles, sont achetées au XVIIIe siècle par la noblesse et la bourgeoisie parisiennes qui y construisent des maisons de villégiature. Ainsi, en 1745, Jeanne Françoise Venerony, veuve d’Isaac de Montandon, achète une propriété, en tant que prête-nom de Nicolas Carré de Baudouin.

Ce dernier, né à Paris en 1695, était un financier recueillant un impôt direct dénommé « étapes ». En 1770, Mme de Montandon meurt et, par testament, lègue ses biens à Nicolas qui recouvre donc ce qu’il avait payé. Mais il décède trois ans plus tard, laissant des « affaires plutôt embarrassées ». Ses créanciers, dont l’architecte Pierre Louis Moreau (1727-1794), obtiennent la vente de la maison en 1776. Elle passe de propriétaire en propriétaire parmi lesquels se trouve Nephtalie Le Bas de Courmont, tante des frères Goncourt, à qui on doit quelques lignes sur cette « espèce de temple grec » dans le jardin duquel ils jouaient enfants. Après d’autres transactions, une partie de la propriété est vendue en 1857 à Mme Mallet pour y installer un « asile des Petits Orphelins ». Le domaine est transformé pour prendre son allure actuelle. Il est acheté par la Ville en 2007 et devient centre culturel.

Si on connaît bien la succession des propriétaires, l’histoire de la construction de l’édifice est plus difficile à cerner. Un plan masse de 1778 montre que le bâtiment principal, qui force l’admiration avec son porche à colonnes et fronton, était prolongé par une aile côté sud et deux autres à l’arrière. Le tout, formant les communs, encadrait une cour principale et deux plus petites. Le percement de la rue des Pyrénées en 1864 a modifié cette distribution arrière : les communs et leurs cours sont alors expropriés et détruits. 

Pavillon Carré de Baudouin, Paris (20e) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Pavillon Carré de Baudouin, Paris (20e) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France

Le bâtiment, si on le dépouille de ses annexes, est un exemple précoce de l’architecture néo-palladienne qui suscite alors un regain d’intérêt en France. Son architecte présumé, Moreau-Desproux, connaît bien l’Italie où il a séjourné de 1754 à 1756. Par cette réalisation, vers 1770, il lance la mode des maisons-temples à Paris. La silhouette de la maison rappelle les compositions de Palladio pour des villas rurales, notamment la villa Emo à Trévise. Un escalier conduit à une haute loggia qui englobe l’étage d’attique. La façade est en forme de temple avec ses colonnes d’ordre colossal soutenant un fronton triangulaire. Toutefois, on ne trouve pas ici le « nu du mur » des villas agricoles de Palladio. Le bel appareillage de pierre, la mouluration soignée de l’encadrement des baies, les chapiteaux ioniques, les pilastres d’angle procèdent davantage de l’architecture urbaine. Le toit très aplati, le plan proche du carré sont d’autres références aux villas palladiennes.

Il est fort probable que l’aile sud, sur laquelle vient s’appuyer ce bâtiment principal, lui est antérieure. C’est là que se trouve l’escalier le plus ancien, comme le prouvent la rampe de serrurerie et l’accès au sous-sol qui se trouve au-dessous.

L’état des lieux de la vente de 1776 permet de connaître la distribution intérieure. Au rez-de-chaussée, trois pièces principales : le grand salon, à l’arrière de la colonnade, dessert à sa droite la salle à manger et à sa gauche un salon plus petit, « le salon d’hiver ». La description détaillée des meubles dans chaque pièce atteste la simplicité du mobilier, fauteuils de paille et tentures en toile d’Orange.

Contrairement à la tradition française, l’escalier occupe une place discrète, purement utilitaire. À l’arrière, les offices et la cuisine. En tout, treize chambres sont réparties sur les deux étages et les bâtiments annexes, preuve s’il en est du caractère de villégiature de l’édifice. 

Une chapelle est aussi signalée. Un petit pavillon au bout du jardin permettait de se reposer sur une « petite ottomane en canne ». Le second escalier à limon en crémaillère et barreaux en col-de-cygne date du XIXe siècle. La façade arrière du bâtiment est aujourd’hui occultée par une salle de conférence et une salle d’exposition.

Texte : Roselyne Bussière

Livre « Châteaux, villas et folies. Villégiature en Île-de-France » 

Crédit photo : © Région Île-de-France/Lieux Dits

Cet ouvrage, où l’on croise Bellanger, Guimard, Mallet-Stevens, s’appuie sur un corpus de 1 700 maisons, du XVIIIe au XXe siècles. Découvrez un florilège inédit de maisons de plaisance franciliennes.

« De tous les Français, le bourgeois de Paris est le plus champêtre », nous dit en 1841 L’Encyclopédie morale du XIXe siècle. La quête de bon air, dans une capitale densément peuplée, conduit les Parisiens de toutes conditions à se construire des maisons dans la campagne alentour dès le XVIe siècle, imitant la pratique aristocratique d’un partage de l’année entre saison mondaine en ville et beaux jours au vert.

Du château de Champs-sur-Marne (77) au Désert de Retz (78), de la maison Caillebotte à Yerres (91) à la villa Savoye de Poissy (78), du chalet au cabanon, en passant par tous les styles architecturaux, l’Île-de-France s’est couverte de maisons de villégiature, non seulement autour de ses sites les plus enchanteurs, boucles de la Seine, bords de Marne, forêts de Saint-Germain ou de Fontainebleau, mais finalement partout où il était possible de trouver belle vue et bonne compagnie.

Cet ouvrage présente un territoire inattendu en matière de villégiature, l’Île-de-France, dont la richesse des paysages et la fantaisie des architectures estivales n’ont rien à envier à Trouville ou à la Riviera. La banlieue elle-même apparaît sous un jour nouveau, comme l’ultime avatar de havres de paix campagnards et populaires.

Éditions Lieux dits, collection « Patrimoines d'Île-de-France », 256 pages, 300 illustrations, 32 euros.

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